Recul social....encore!
Le délit d'entrave a une valeur pédagogique et dissuasive |
Pour Laurent Milet, rédacteur en chef de la RPDS (revue pratique de droit social) et coauteur de l'ouvrage de Maurice Cohen sur le droit des CE, l'idée du Medef, reprise à son compte par le Président de la République, de remplacer le délit d'entrave par une sanction financière est critiquable aussi bien sur la forme que sur le fond. Voici sa chronique. |
Ainsi donc il a suffit que le Medef suggère de réformer le délit d'entrave au motif que ce serait un vrai sujet d'anxiété pour les entreprises pour qu'il soit immédiatement entendu par le Président de la République. Ce dernier a annoncé le remplacement des peines pénales associées au délit d'entrave par des sanctions financières. Cette décision est critiquable sur un triple plan : l'argumentation, la méthode et le fond.Une argumentation et une méthode contestableSur l'argumentation, le Président de la République avance l'idée selon laquelle il faudrait rassurer les chefs d'entreprises étrangères qui seraient réticents à investir en France par crainte d'une sanction pénale. Mais ils n'auront aucune sanction s'ils respectent notre législation sociale. Il s'agit donc d'un prétexte fallacieux. Avec un tel argument, il faudra demain abolir une bonne partie du code de la route parce que les étrangers qui circulent sur nos routes seront anxieux face aux sanctions pénales possibles pour excès de vitesse ou conduite en état d'alcoolémie !Sur la méthode, elle est contraire à l'article L. 1 du code du travail qui impose au gouvernement une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel sur tout projet de réforme envisagé qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, et ce, en vue de l'ouverture éventuelle d'une négociation. Et qui plus est alors que s'ouvre une négociation sur le thème du dialogue social où il va être question notamment du fonctionnement des institutions représentatives du personnel. L'utilité sociale des sanctions pénalesSur le fond, les sanctions pénales du délit d'entrave ont une utilité sociale indiscutable. Rappelons que le fait d'apporter une entrave soit à la constitution, à la désignation, ou au fonctionnement régulier d'une institution représentative du personnel est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros (2 ans et 7 500 euros en cas de récidive). Et la condamnation peut être affichée dans l'entreprise ou publiée dans la presse (art. 131-39 du code pénal). Cette sanction pénale a une valeur pédagogique et dissuasive. Elle atteint l'employeur délinquant dans son honorabilité. Elle a une fonction d'intimidation collective dans la mesure où elle vise à détourner de la délinquance les employeurs qui seraient tentés d'enfreindre la loi sur la représentation du personnel. Même si, en définitive, ils ne risquent pas grand-chose car le ministère du travail n'encourage pas assez les procès-verbaux et les condamnations. C'est donc plutôt de ce côté qu'il conviendrait de regarder afin d'améliorer l'effectivité du système répressif.Les employeurs pourront « acheter » la violation de la loiQuant à la proposition du Medef, reprise par le Président de la République, de remplacer le délit pénal par une sanction financière, elle risque de n'avoir aucun effet dissuasif sauf à être d'un montant très important. Cette recherche de la substitution est également à l'œuvre dans le deuxième volet de la réforme de l'inspection du travail avec l'introduction de la transaction pénale. Elle permettra, avec l'accord du Procureur de la République, à l'administration d'adresser une proposition de transaction financière aux employeurs mis en cause précisant l'amende que l'auteur de l'infraction doit payer.C'est l'aveu implicite que le patronat est prêt à « acheter » la violation de la loi plutôt que de respecter les prérogatives des élus et mandatés. Il est regrettable que l'Etat au plus haut niveau se déclare prêt à lui donner l'absolution. |
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